En septembre 2021, Benoît Hamon et Fatemeh Jailani ont rejoint SINGA Global, aux postes de Directeur Général et de Directrice des Opérations. Leur mission : accélérer le déploiement international des programmes d’accompagnement de SINGA dans un contexte où les questions migratoires et sociales s’intensifient. Rencontre avec eux.
BENOÎT HAMON : La création de SINGA Global avait déjà fixé le cap, celui d’un développement maîtrisé. de SINGA qui soit dicté par l’impact. Au diapason de cette orientation donnée par le Conseil d’Administration de SINGA Global, nous avons ouvert plusieurs chantiers dont certains seront conclus dès cette année :
→ Un livre blanc pour renouveler notre vision des migrations à un moment où elles changent d‘échelle et provoquent des réactions hostiles croissantes dans de nombreux pays.
→ Une nouvelle organisation juridique qui conserve l’autonomie des chapitres, leur capacité d’innovation et permet aussi une démocratie et délibération collective épanouies. Une nouvelle organisation opérationnelle de SINGA Global s’emboite sur cette architecture juridique renouvelée qui sera garante d’un développement harmonieux de SINGA et de l’amélioration des conditions de travail des équipes.
→ Une rationalisation des process et la création d’outils pour élaborer nos propres indicateurs d’impact et faciliter la collecte de données.
→ Le renforcement de notre action de plaidoyer international qui s’est déjà traduite par notre intégration progressive aux cercles des experts consultés par l’Union Européenne, l’OCDE ou la Banque Mondiale.
→ La création de réseaux et d’alliances pour démultiplier notre impact (le réseau Start-In Europe*, la coalition d’organisations françaises* réunies autour de SINGA qui a décidé d’unir ses efforts pour muscler le plaidoyer en faveur de l’Inclusion, la charte de l’inclusion que nous réalisons avec Utopie et qui est signée par des dizaines d’entreprises de toutes tailles soucieuses d’agir pour l’inclusion des nouveaux arrivants et l’interculturalité.….)
→ La diversification de nos ressources, par des campagnes régulières de fundraising qui ont déjà élargi le cercle de nos partenaires et la création de revenus nouveaux et pérennes qui améliorent notre indépendance.
Bien sûr, à cette feuille de route sont venus s’ajouter les aléas des crises internationales… L’Afghanistan et l’Ukraine ont précipité et parfois bousculé notre agenda. Ce fut donc plusieurs mois intenses et la découverte de personnes incroyables parmi toute la communauté SINGA.
FATEMEH JAILANI : Je sais qu’il est très courant d’avoir une dynamique CEO et COO dans les entreprises, mais je n’ai aucune idée de la fréquence de cette dynamique dans le monde des ONG, surtout en France où se trouve notre siège. Cependant, je pense qu’il est parfaitement logique de mettre en place la direction de SINGA de cette manière.
J’ai un jour décrit notre duo comme la conduite d’une voiture sur une route ouverte… Pendant qu’il conduit, je m’assure que la voiture a tout ce qu’il faut pour bien fonctionner, tandis que nous essayons, tous les deux, de suivre les indications de la carte, et de rester vigilants sur les éventuelles bosses ou trous de la route, le mauvais temps, les autres automobilistes qui nous court-circuitent, etc.
Nous sommes deux individus avec deux profils différents mais complémentaires, et cela nous permet de mieux arbitrer lorsque nous devons prendre des décisions sur les directions à privilégier pour SINGA, avec la supervision de notre Conseil d’Administration, bien évidemment. Nous n’avons pas toujours des conversations très faciles, mais c’est justement ce qui est nécessaire pour pouvoir avancer. À partir du moment où nous partageons les mêmes valeurs, je pense que cette confiance nous donne le courage d’entamer les conversations difficiles, de se challenger pour assurer le bien de SINGA.
BENOÎT HAMON : Sans attendre que Fatemeh et moi-même soyons arrivés, SINGA France avec David à sa tête, avait engagé partout en métropole, la métamorphose des villes en chapitres autonomes. Début 2023, SINGA en France ce sera un ensemble de 6 chapitres autonomes dotés d’un incubateur (Paris, Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, Strasbourg) bientôt rejoints par Marseille et peut-être Saint- Etienne. À ces antennes s‘ajoute l’activité. communautaire de nos chapitres comme Toulouse ou encore Valence. La France reste le 1er pays d’implantation pour SINGA et notre activité y est observée, jaugée et souvent saluée par nos partenaires institutionnels publics et privés. Le programme d’hébergement citoyen “J’accueille” porté par SINGA France, est le bon exemple des innovations nées en France et qui participent à la fois à la recherche d’un impact positif sur l’inclusion des nouveaux arrivants et au rayonnement du label SINGA. Je ne vois aucun hasard, que ce soient encore les équipes de SINGA France qui expriment une méthode d’essaimage “impact driven” en Europe de l’Est en partageant nos méthodologies sur l’hébergement citoyen avec des ONG des pays frontaliers de l’Ukraine. Dans les prochains mois, les chapitres poursuivront leur autonomisation, ce sera le cas de Lyon début 2023. Si, en parallèle, SINGA Global affirme sa vocation de fonction support pour tous les chapitres dans et hors Europe, subsistera un besoin de coordination nationale en matière de plaidoyer, de communication ou d’appels à projet. C’est cette nouvelle architecture globale que nous allons discuter et construire avec le conseil d‘administration et les équipes de SINGA France en 2022, et que nous voulons aussi plus démocratique.
FATEMEH JAILANI : Pour être modeste, après neuf mois, je dirais que nous avons beaucoup appris sur la richesse de l’écosystème SINGA, et nous avons essayé de tirer parti de ces leçons pour mieux “relier les points”. Nous sommes encore en train de relier ces points, mais ce que nous avons compris, tous les deux, c’est que :
→ Grâce à nos partenaires tels que THSN, la Fondation VISA, et bien d’autres, nous sommes en train de renforcer et consolider un réseau d’entrepreneur.e. s nouveaux arrivants en Europe. StartIN Europe* est la première étape que nous avons franchie pour consolider ce réseau européen, et notre objectif est d’en faire une force de frappe dans les années à venir.
→ Notre écosystème est le fruit de 10 ans d’expérience dans la création de liens entre les locaux et les nouveaux arrivants, via la création de communautés, l’entrepreneuriat et les innovations internes. Nous avons besoin de nous engager avec d’autres acteurs au sein de notre écosystème et au-delà pour échanger nos idées et nos meilleures pratiques. La migration est un sujet qui a toujours été traité, en Europe, de manière préventive. En capitalisant sur notre écosystème plus large, nous devons nous nourrir mutuellement pour présenter des approches constructives de la migration. Si nous y parvenons, cela pourra inciter les institutions et les acteurs économiques à adopter de meilleures politiques afin de mieux nous préparer à la réalité constante de la migration. Nous avons commencé, cette année, à engager différents acteurs, qu’ils soient institutionnels ou économiques, dans une plus grande conversation. Notre objectif est de faire en sorte que SINGA soit invité à la table des discussions, surtout quand cela compte.
→ Nous devons, maintenant, préparer notre organisation pour les 10 années à venir, en actualisant notre vision et notre stratégie collectives. C’est la clé pour assurer notre symbiose en tant qu’organisation d’innovateurs sociaux repoussant les limites de notre imagination pour montrer ce qui peut être possible encore. L’année 2022 sera déterminante pour s’assurer que notre réseau est aligné sur cette vision et cette stratégie co-construites. C’est, en fait, notre plus grande priorité cette année. Pour 2023, notre objectif est le renforcement de notre organisation et de notre réseau via la mise en œuvre de cette vision partagée avec un plan stratégique censé mieux cerner nos efforts en tant que collectif aligné et soudé.
FATEMEH JAILANI : D’ici mai 2023, ce que j’espère voir, c’est une organisation confiante dans la direction vers laquelle elle se dirige, et capable de capitaliser sur la richesse de son réseau européen et international. Au cours des dix dernières années, SINGA s’est développée beaucoup plus rapidement que la plupart des organisations dans notre domaine. Nous avons été l’un des premiers acteurs à oser explorer tous les potentiels de la migration, et nous continuons à le faire ! Je pense que maintenant, il est temps de s’arrêter, de regarder autour de soi, de comprendre nos forces et de faire des ajustements là où nous sommes faibles. D’ici 2023, j’aimerais voir un SINGA capable de travailler davantage ensemble en tant que réseau international, de tirer le meilleur parti de notre croissance rapide et de nous rassembler pour faire de plus grandes vagues.
BENOÎT HAMON : Plutôt qu’une ambition, une raison d’être : Ne jamais oublier à qui nous voulons être utiles, les nouveaux arrivants qu’ils soient dans nos programmes ou pas et ce faisant, contribuer à rendre plus harmonieuses nos sociétés En 2023, je nous souhaite de bien faire le travail pour lequel nous avons choisi de rejoindre la communauté SINGA.