SINGA se transforme pour accompagner le changement d’échelle des migrations et hisser son action à hauteur des besoins, et de ses ambitions. Dans ce contexte, l’organisation évolue. Le programme d’hébergement citoyen J’accueille prend son envol en devenant une association autonome, et l’équipe SINGA en France se renforce avec l’arrivée d’une nouvelle Directrice de la Coordination.
Rencontre avec David Robert (anciennement Directeur Général de SINGA France) qui prend désormais la co-direction de l’association J’accueille avec Vincent Berne, et Léa Balage El Mariky qui rejoint l’équipe SINGA en tant que Directrice de la Coordination France.
David : Plusieurs raisons, évidemment ! D’abord, le challenge propre au programme J’accueille, un dispositif d’impact social qui a fait ses preuves et qui, je l’espère, va compter dans les années qui viennent, à l’échelle nationale voire européenne. Par ailleurs c’est un programme que co-dirige Vincent Berne, avec qui nous avons éprouvé notre complémentarité depuis le début de notre aventure chez SINGA, et je me réjouis de ce nouveau format de co-direction avec lui. Et puis j’ai une histoire personnelle forte avec ce dispositif…
Ensuite, il y a la volonté, pour le réseau SINGA, de réussir le premier “grand” pari de notre méthode, fondée sur la logique de franchise sociale, celle qui consiste à autonomiser ce qui marche d’un côté, et continuer à protéger en interne l’impact social des innovations encore “fragiles”. J’accueille a fait ses preuves à petite échelle. Si l’on veut rester agiles, des deux côtés, il faut faire la preuve que cette autonomisation fonctionne, et c’est un beau défi, en phase avec notre philosophie. SINGA incube sa propre concurrence depuis des années, en interne (J’accueille, AlloMondo, FoudeFood…) comme en externe (nos alumni les plus célèbres que sont Kaoukab, MeetmyMama, Konexio, Refugee Food, Kodiko, etc. sont notre plus belle réussite), parce que nous sommes obsédés par l’impact. Autonomiser J’accueille avec succès (rendez-vous dans 3 ans !) serait une preuve de la pertinence du modèle SINGA.
Enfin, après 5 ans et demi à la Direction de SINGA France, maintenant que la main est transmise à SINGA Global, avec des nouveaux statuts, une nouvelle structuration du réseau orchestrée par Benoît Hamon et ses équipes depuis un an et demi, l’entité SINGA France devait logiquement s’effacer derrière les villes d’une part, et l’équipe française de SINGA Global, d’autre part. Ouf, tout ça pour dire que je suis enthousiaste !
David : C’est toujours bizarre de répondre à cette question. Il y a beaucoup de choses qu’on a ratées (entrepreneurs un jour…), beaucoup qu’on a réussies (sinon on ne serait pas là), et le bilan est forcément subjectif, surtout quand beaucoup de chantiers sont en cours.
Je veux retenir un élément concret, un politique et un symbolique. Le concret, c’est qu’aujourd’hui il y a des SINGA qui créent de l’impact social dans plusieurs villes françaises, avec des équipes investies et professionnalisées. Le politique, c’est qu’avant, quand on disait “réfugié entrepreneur”, les gens pensaient qu’on avait fait un lapsus, qu’il y avait un paradoxe. Aujourd’hui, dans l’ESS au moins, parler de “nouvel arrivant” et de “talent” plutôt que de “migrants” est en train de devenir une norme, et SINGA y a contribué, indéniablement.
Enfin, Ghaees, Rima, Abbas, Sokhna, Souad, et tant d’autres, sont autant de destins extraordinaires de personnes, qui, une fois sorties de nos programmes, non seulement s’en sortent mieux, mais en plus améliorent le monde dans lequel elles vivent. Elle est là notre force. Utiliser les nouveaux arrivants et les locaux, partout, pour révéler et soutenir les citoyens qui contribuent au mieux-être du monde.
Léa : J’ai un parcours militant. Après plusieurs années au service de l’écologie politique, j’ai décidé de rejoindre SINGA pour avoir un impact concret.
J’ai eu de multiples occasions de rencontrer SINGA. Tout d’abord en 2015 et avec le lancement de Comme A La Maison qui deviendra J’accueille, puis en 2020 en plein confinement lorsque j’ai eu à gérer un centre d’hébergement d’urgence et qu’AlloMundo est venue comme une solution à l’exclusion sociale que connaissaient les demandeurs d’asile hébergés.
La troisième rencontre, c’est aussi celle avec David lorsque SINGA s’engageait auprès des Afghanes et Afghans qui tentaient de fuir après la prise de Kaboul par les Talibans. J’essayais moi-même de signaler des situations urgentes et d’alerter les autorités françaises sur l’impérieuse nécessité d’évacuer telle ou telle personne en fonction de son parcours, du risque encouru en Afghanistan. Nous nous sommes rencontrés à cette occasion.
La migration fait partie de mon parcours familial et personnel, me mettre au service de l’inclusion et d’un changement de regard sur les nouveaux arrivants devenait de plus en plus naturel pour moi.
Alors que la guerre en Ukraine nous montrait que nous pouvions faire les choses autrement en Europe, que l’accueil inconditionnel et digne pour toutes et tous n’était plus une question de faisabilité mais de volonté politique, il devenait pour moi urgent de m’engager et SINGA était tout indiquée pour être ma nouvelle maison.
Léa : Je suis arrivée à un moment charnière dans l’histoire de SINGA, le moment de l’autonomisation des chapitres en France et l’élection d’un nouveau conseil d’administration et d’un nouveau bureau pour le réseau, SINGA Global.
Cette entrée en matière a été un formidable accélérateur d’inclusion dans l’équipe car tous les enjeux stratégiques, de changement d’échelle des activités pour la France étaient posés collectivement au sein du réseau.
J’occupe à ce titre un rôle différent de celui que David a brillamment occupé pendant 5 ans. En tant que directrice de la coordination France, je suis la courroie de transmission entre tous les chapitres français, la garantie que les valeurs et les engagements de SINGA s’appliquent partout. J’ai également à ma charge des éléments indispensables à la montée en puissance de notre impact, tant dans la recherche de partenariats que la valorisation de notre impact, notamment par des actions de plaidoyer que SINGA mène avec des alliés. Les lois et projets de loi sur l’asile et l’immigration se succèdent en France sans que l’inclusion ne soit jamais véritablement comprise ou que les discours ne changent. Pire, les médias, le personnel politique et les prescripteurs d’opinion ont un discours de plus en plus éloigné de la réalité de la migration, stigmatisant voire xénophobe.
SINGA détient une part importante de responsabilité dans le changement de narratif, en montrant par l’exemple que l’inclusion est une source de richesse pour toutes les sociétés d’accueil.
David : Dans 10 ans, un foyer avec une chambre d’amis trouvera ça évident, normal, d’accueillir quelqu’un en vulnérabilité, parce qu’il saura qu’il peut être accompagné par des associations référentes, qui rendent la cohabitation facile, agréable, enrichissante pour tout le monde. C’est cette norme culturelle qu’on veut créer.
À moyen terme, ça passera par un passage à l’échelle de notre dispositif, avec un retour à l’emploi et au logement qui devra être à la hauteur des grandes ambitions que nous nourrissons. Y compris dans une logique de mobilité géographique, un challenge encore délicat pour la plupart des acteurs talentueux du secteur.
David :
SINGA c’est tout le club, les infrastructures, ce qui fait qu’on se sent soutenus, entraînés, enrichis… J’accueille avec l’hébergement citoyen, c’est l’équipe qui vient d’accéder en 1e division et qui veut déjouer les pronostics en jouant l’Europe dès la première saison. Oui. Car j’ai changé de boulot mais j’ai gardé les métaphores pourries.
Léa :
SINGA comme J’accueille révèlent le potentiel de l’inclusion. Nos liens ne sont pas qu’organiques ou historiques, ils sont aussi dans nos raisons d’être et dans l’horizon que nous défendons. Comme je préfère le rugby, je ne commenterai pas la métaphore de David.