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Retour sur | 06 Nov. 2023

“Nouvelle” Loi Immigration : décryptage et enjeux

Au cours des trente dernières années, plus de vingt textes législatifs ont vu le jour, le dernier datant de 2018. Le 6 novembre, s’ouvre au Sénat le débat parlementaire sur le projet de loi « Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ». Il est annoncé à l’Assemblée nationale dès décembre 2023.

Depuis un an, SINGA et les associations dédiées à l’inclusion des personnes exilées et immigrées dénoncent le contenu de ce texte et l’instrumentalisation politique dont il fait l’objet. Si cette loi était mise en place, elle renforcerait la précarité et l’exploitation des personnes immigrées, amoindrirait leurs droits, et accentuerait le désordre dans la société française.

Décryptage, enjeux et perspectives sur ce projet de loi

Une série de mesures inefficaces, dangereuses, qui fragilisent toute la société

En cas d’adoption, cette loi risquerait d’augmenter la précarité et l’exploitation des personnes exilées et immigrées, d’amoindrir les droits fondamentaux et de fragiliser toute la société qui a besoin de l’immigration pour dynamiser son économie. Les rares mesures qui sont présentées comme “protectrices” ou “favorables à l’intégration des étrangers” apparaissent clairement insuffisantes, voire contre productives.

Voici quelques-unes des propositions qui suscitent des préoccupations particulières parmi les mesures proposées :

  • La généralisation du juge unique à la Cour Nationale du Droit d’Asile. Au lieu d’avoir plusieurs juges qui examinent ensemble les cas des demandeurs d’asile pour prendre une décision, la nouvelle loi propose de n’en avoir qu’un seul. Cela pose problème, car la collégialité – c’est-à-dire le fait que plusieurs juges travaillent ensemble – permettait de prendre en compte différents points de vue et d’obtenir des décisions plus équilibrées. Dans les affaires liées à l’asile, où la conviction personnelle du juge est très importante, avoir plusieurs juges garantit une meilleure évaluation des craintes des demandeurs d’asile. La nouvelle loi risque de rendre les décisions moins justes et équitables pour les personnes en quête d’asile.
  • Bien que présentée comme un élément d’intégration, la maîtrise du français pourrait effectivement agir comme un facteur d’exclusion. L’exigence d’un tel diplôme pour les nouveaux et nouvelles arrivantes risquerait de discriminer particulièrement les personnes allophones, en particulier celles qui ont eu peu ou pas de scolarisation avant leur arrivée en France, et qui ne maîtrisent donc pas bien l’écrit.
  • La création d’une carte de séjour temporaire pour les métiers en tension maintient une perspective utilitariste, considérant les nouveaux et nouvelles arrivantes comme des “travailleur.se.s jetables” que l’on rejette dès que la demande diminue. Cette approche ne tient pas compte des réalités du terrain, car elle laisse de côté des secteurs qui emploient un grand nombre de personnes sans papiers. De plus, elle néglige le fait que nous avons besoin de la créativité et des compétences de tous les nouveaux et nouvelles arrivantes, non seulement pour les emplois en tension, mais aussi pour relever les défis mondiaux à venir, tels que ceux liés à la santé ou au changement climatique.
  • La remise en cause de l’Aide Médicale d’État (AME) suscite des préoccupations du point de vue de la santé publique et économique. L’AME est essentielle pour la santé des bénéficiaires et contribue à prévenir la propagation de maladies. Une prise en charge tardive des pathologies entraîne souvent des soins plus coûteux. Les soignants y sont massivement opposés parce qu’une telle mesure impactera de surcroît, l’état sanitaire global de la population française. Particulièrement lorsque l’on considère que l’Aide Médicale d’État, qui permet l’accès aux soins pour les personnes sans titre de séjour, ne représente que 0,4% de l’ensemble des dépenses de santé en France.
  • Extension de la discrimination de la double peine. La double peine consiste à prononcer une expulsion à l’encontre d’une personne étrangère déjà condamnée à une peine de prison. Le projet de loi prévoit que la double peine puisse être appliquée pour toutes les infractions passibles d’une peine de 5 ans ou plus quel que soit le verdict final. Ce ne serait donc plus ni l’infraction, ni la peine prononcée mais la peine encourue qui deviendrait déterminante. Ainsi, si ce texte est adopté une mesure aussi grave qu’une expulsion pourrait être prononcée sans prise en compte de la décision de justice faite en amont.

Une loi en totale déconnexion avec les enjeux migratoires actuels et à venir

Au cours des trente dernières années, plus de vingt textes législatifs ont vu le jour, le dernier datant de 2018. Malheureusement, ces lois ont toutes suivi la même trajectoire, caractérisée par une détérioration constante des conditions d’accueil et des droits des personnes immigrées. Le manque de hauteur de vue sur les questions migratoires et la préférence pour l’exclusion et l’expulsion plutôt que l’inclusion sont un contresens historique dans un monde où la mobilité humaine ne cesse de croître.  

Les migrations sont devenues une réalité incontournable de notre planète, amplifiée par des inégalités économiques, des conflits internationaux et le dérèglement climatique. Avec seulement 7,7 % de sa population constituée de ressortissants étrangers, la France a tout à gagner en favorisant l’inclusion des nouvelles et nouveaux arrivant.e.s plutôt que d’adopter des politiques restrictives et excluantes.

« Ce projet de loi généralise la suspicion, le harcèlement administratif, la précarité et la peur. C’est le 29e texte sur l’asile et l’immigration depuis 1980. Nous avons besoin des politiques publiques inclusives, et respectueuses des droits et de la dignité des personnes, en promouvant la cohésion sociale au lieu d’exacerber des tensions au sein de notre société. Ce débat devrait aussi se faire avec les personnes concernées, dont on parle souvent mais que l’on n’entend jamais », affirme Camila Rios Armas, Présidente de SINGA Paris.

Créativité, prospérité et cohésion grâce à la migration : et si on changeait de paradigme ?

Depuis 10 ans, SINGA défend la même idée : une société se renforce quand elle s’ouvre à la migration. Il est grand temps que les États développent des solutions qui concilient le respect de la dignité humaine et les formidables opportunités d’innovation, de prospérité et de cohésion qu’apportent les millions de femmes et d’hommes qui nous rejoignent.

SINGA propose une série de solutions visant à favoriser l’inclusion des personnes immigrées en France et en Europe comme un droit de travail dès la demande d’asile, la régularisation des travailleurs sans papier, l’amélioration de l’accès aux cours de français sur l’ensemble du territoire, l’ouverture de métiers et un système de reconnaissance des diplômes par les pairs. SINGA appelle également investir dans l’hébergement. Enfin, SINGA promeut une politique européenne ambitieuse, proposant une protection temporaire pour toutes les situations de guerre, un droit d’asile européen, l’arrêt du système de Dublin et une répartition équitable des responsabilités entre les pays de l’UE.

Ces mesures sont essentielles pour répondre aux besoins des personnes immigrées, renforcer la cohésion sociale et édifier une société plus résiliente dans un monde en constante évolution.

Et si notre futur dépendait de notre capacité à repenser l’inclusion ?