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Retour sur | 08 Juin 2023

Guillaume Capelle rejoint Impact Partners pour lancer un Fonds dédié à l’inclusion des personnes exilées

Rembobinons…

En Australie, alors que tu travailles comme juriste chez Amnesty International, tu rencontres des jeunes de ton âge, demandeurs d’asile, dans le centre de détention de Villawood. Tu te lies d’amitié avec certains en jouant aux cartes et au cricket, ou encore en t’initiant à la cuisine sri lankaise. À leur contact, tu mesures l’absurdité du système en place. Ces jeunes sont enfermés avec leurs traumatismes, sans aucune visibilité sur l’avenir. Leurs talents sont gâchés. Leur motivation s’évanouit. Au risque de ne jamais revenir. En rentrant en France, tu apprends le suicide de l’un de tes amis. Cette mort tragique, révélatrice d’un dysfonctionnement profond de l’accueil des réfugiés, a été un déclic. Tu décides alors de créer SINGA, avec Nathanaël Molle et Alice Barbe. On est en 2012….

SINGA au début, c’était quoi ?

C’était un projet de crowd-lending pour financer les entrepreneurs réfugiés. Nous l’avons appelé SINGA car c’est la traduction du mot “prêt” en bambara et parce que c’est facile à dire dans toutes les langues. Puis c’est rapidement devenu une communauté d’échanges culturels entre les exilés et les Français, animée sur Facebook et dans des lieux partenaires, comme l’École 3A ou La Ruche.

 

En une décennie, SINGA est devenue une organisation internationale référente dans le domaine de la migration, qui regroupe plus de 80 000 membres dans 18 villes en Europe et au Canada. Comment ?

En visant un changement systémique. Embarquer 80 000 personnes, c’est bien, mais former 2000 entrepreneurs qui touchent eux-mêmes 50 000 clients ou bénéficiaires chacun, c’est mieux ! Faites le calcul 😉 Nous avons toujours cherché à atteindre le point de bascule de la société. Il arrive quand assez de personnes ont vécu une autre expérience de l’inclusion, ont pris connaissance de l’absurdité des règles et des comportements actuels. Pour les salariés chez SINGA, il existe un monde où la demande d’asile n’est pas une souffrance supplémentaire, où les compétences sont reconnues, et la différence culturelle est accueillie comme une opportunité d’apprendre. Nous savons que ce monde nécessite de l’architecture et des infrastructures. En somme, qu’il se construit. Nous sommes très pragmatiques et patients.

 

Beaucoup nous ont dit que vous étiez fous… Est-ce qu’il faut croire qu’un changement de société passe donc par (un peu) de folie ?

On doit l’une des plus célèbres définitions de la folie à un Réfugié du nom d’Albert Einstein : « la folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent ». Le contraire de la folie, ce serait donc de bouger certaines choses. Ce mouvement est sain dans un monde de fous. Il demande souvent du courage car il n’y a rien de plus difficile à affronter qu’une habitude.

 

Est-ce que tu peux nous détailler ce qu’on appelle souvent la “méthode SINGA”, qui rend SINGA unique ?

La méthode SINGA consiste à donner le pouvoir de décisions aux personnes concernées par la migration, à commencer par les nouveaux arrivants. Cela donne naissance à des activités pair-à-pair et des services tournés vers l’avenir. Les activités de SINGA sont faites pour se rencontrer dans de bonnes conditions et stimuler notre créativité. Enfin, il y a une partie moins visible mais tout aussi importante qui consiste à anticiper et gérer les crises qui arrivent nécessairement quand des milliers de personnes échangent entre elles.

 

Au-delà des réussites, une telle aventure doit aussi se compter en lots de galères et de moments de doutes… Et si tu nous en partageais un ?

En tant qu’entrepreneur, je me distingue par ma capacité à voir une “galère” comme une énigme à résoudre. C’est pas que je les cherche mais presque. Je dirais que j’ai plutôt une bonne relation avec elles. Après, il y a celles qui sortent du cadre du travail comme les calculs rénaux ou les menaces de mort, celles-là j’ai pas trop kiffé. Mais si je devais choisir la championne de la décennie, je dirai que le lancement d’une plateforme événementielle en février 2020, en plein confinement, après 2 ans de travail acharné, c’était un peu dur pour le moral.

 

Si tu devais résumer 11 ans d’aventure SINGA en 3 mots, ça donnerait quoi ?

Citoyens du monde.

Débobinons…

2023 marque une nouvelle étape pour toi. Peux-tu nous expliquer tes nouveaux projets ?

Cette année, je rejoins Impact Partners, une plateforme européenne d’investissements à impact, comme directeur associé, pour lancer un Fonds sur l’inclusion des nouveaux arrivants en Europe. Impact Partners est le partenaire idéal pour ce projet car ils partagent l’intention d’impact social et l’exigence de rentabilité économique de SINGA. Ils ont également une dimension européenne et cette volonté de passer à l’échelle contre toutes les inégalités sociales.

 

Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

C’est un retour aux sources : je vais enfin financer des entrepreneurs comme nous souhaitions le faire initialement avec SINGA. Je le vois aussi comme un développement logique. L’écosystème que nous avons construit arrive à maturité. Il faut dorénavant le financer pour qu’il passe à l’échelle et s’industrialise. Et c’est maintenant ouu jamais parce que le siècle des migrations a débuté et notre niveau de préparation est catastrophique.

 

Quel(s) lien(s) garderas-tu avec SINGA ?

Je serais responsable de l’équipe au sein d’Impact Partners et nous travaillerons main dans la main avec SINGA pour accompagner les entrepreneurs porteurs de solutions. Nous serons donc en contact permanent. Les incubateurs et l’accélérateur bénéficieront de nouveaux outils de financement pour accompagner les entrepreneurs. Nous contribuerons ensemble à construire une économie européenne plus inclusive.